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Affronter l'inconfort

Christiane Singer disait : "Reste debout au milieu de ton désastre, noble fille".

La première fois que je l'ai entendue, cette phrase m'a interpellée. Il m'a semblé qu'il était question de dignité et de souveraineté. Même quand tout s'effondre, je reste digne et souverain.


Mais avec le temps cette phrase finit par résonner différemment. Pour moi elle met en lumière notre tendance à vouloir fuir nos petits désastres personnels.


Notre instinct de survie nous pousse à attaquer, à fuir ou à vivre un état de sidération. Lorsque le danger est réel, la réaction est logique et utile. Mais dans nos quotidiens d'occidentaux les dangers véritables sont finalement assez rares...


Pourtant, dans notre quotidien, nous réagissons toujours comme si nous étions en danger... sans nous en rendre vraiment compte. Nous "attaquons", nous "fuyons", nous vivons parfois la sidération. Tout comme nos ancêtres face à un animal féroce. Bien-sûr de façon plus subtile...


Nous réagissons tous les jours inconsciemment face à des "dangers" ressentis par notre cerveau. Ces dangers, non réels, se fondent sur des fausses croyances construites pendant l'enfance : la croyance que l'on doit réussir pour être aimé, que l'on doit être parfait, que l'on doit faire plaisir... la croyance que l'on est en danger à chaque instant ou qu'il faut être fort dans ce monde difficile...


Alors on se forge un masque, de perfection, de réussite, de force, et on fait tout pour le maintenir. Derrière le masque il y a les blessures, la peur de ne pas être aimé, la peur de la mort...


Les évènements difficiles que nous vivons dans nos vies nous poussent à faire tomber notre masque. Et pourtant nous y résistons. Nous "attaquons" en agissant d'une certaine manière. Ou nous fuyons. Nous regardons ailleurs. Nous noyons le problème dans le travail, les plaisirs, les relations.


Lorsque nous avons épuisé toutes les ressources du mode "attaque" et que cela n'a pas fonctionné, nous passons parfois dans ce que j'appelle "l'effet élastique" : nous essayons l'autre stratégie, et nous essayons de fuir. Après avoir "agi" nous tentons de nous terrer, de nous réfugier dans la solitude et le silence. A l'inverse, ceux qui avaient tendance à fuir essaieront de se mettre à "attaquer", en agissant d'une manière ou d'une autre.


Cela fonctionne un temps. Souvent toute la première partie de notre vie. Et puis un jour cela ne fonctionne plus. On parle de crise de la quarantaine, de la cinquantaine. Pour moi ce n'est pas que l'on pique soudainement une crise. C'est que l'on arrive à un moment où nos mécanismes de défense sont usés et ne fonctionnent plus. Le masque que nous nous sommes forgés ne tient plus.


Il n'y a plus que l'acceptation. La traversée de l'inconfort qui implique de retoucher à ses blessures d'enfant. Pour moi c'est cela que Christiane Singer a voulu dire en nous proposant de rester debout. Ne pas réagir en "attaquant". Mais ne pas fuir non plus. Affronter l'inconfort, regarder la blessure et l'accueillir.


Et là, miracle : tout s'ouvre. Nous réalisons que nous ne sommes pas morts. Un soulagement se fait, dans le corps, dans la tête et dans le coeur. Nous réalisons que nous n'avons jamais eu à être à être parfait, à réussir, à être responsable, à faire le bien, à être fort, à être original, à être un intellectuel ... Nous pouvons juste être nous-mêmes. Vulnérable, imparfait. Et qu'on nous aime quand même.


Nous réalisons que nous avons lutté toute notre vie et que c'est paradoxalement le dépôt des armes qui nous permet d'enfin vivre le sentiment de sécurité et d'amour. Que la force véritable repose sur la vulnérabilité. Que l'on donne le meilleur de soi-même en acceptant d'être imparfait et de vivre des échecs. Que le sentiment de sécurité se fonde sur la confiance...


Baissons les armes. Traversons. Pour vivre enfin.



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