Oser faire une pause dans notre course quotidienne et regarder autour de soi pour se poser les bonnes questions
Il était une fois une petite souris qui courait dans sa roue, inlassablement, tous les jours. Elle en descendait uniquement pour aller grignoter quelques légumes ou quelques graines, et dormir un peu quand même, bien à l'abri dans sa cage.
Et elle courait, elle courait.
C'était important pour elle, de courir. Cela répondait à son besoin de mouvement : elle n'était pas du genre à se prélasser, il fallait qu'elle utilise son énergie à faire quelque chose. Et puis "ses humains" comme elle les appelait, avaient l'air content et lui donnaient à manger. Tout cela lui faisait se sentir en sécurité.
Alors elle poursuivait inlassablement sa course.
La souris ne se rendait pas vraiment compte de ce qui se passait autour de sa roue, et encore moins autour de sa cage. Elle perçevait confusément qu'il se passait quelque chose, ses humains étaient bruyants, elle sentait une certaine tension. Mais elle préférait ne pas trop regarder et se dire que tout irait bien. Ses humains trouveraient bien une solution et elle, elle n'avait pas de raison de s'inquiéter.
De temps en temps elle se posait des questions : "Mais quand même, c'est pas un peu con de courir dans cette roue? Toute cette énergie ne pourrait-elle pas être mieux utilisée?".
Elle regardait alors sa copine souris qui courait aussi dans sa roue (oui parce qu'en fait dans l'histoire, il y a deux souris), et elle se disait "Mais si moi j'arrête de courir dans ma roue, que va penser ma copine souris? Elle va se dire que je suis une flemmarde, ou alors elle va peut-être se dire que je la juge de courir encore, elle".
Et elle repartait courir dans sa roue.
Et puis quelque chose est tombé dessus et a cassé un rayon. Ses humains n'ont rien vu, alors elle a essayé de réparer elle-même le rayon (oui parce que c'était une souris très intelligente), mais sans succès (bon... c'est quand même une souris).
Elle a continué à courir malgré tout, en essayant de sauter par dessus le rayon cassé, elle se disait qu'il ne fallait pas qu'elle s'arrête. Si elle s'arrêtait, ses humains ne lui donneraient peut-être plus à manger, et puis que ferait-elle? Comment employerait-elle son énergie? Que savait-elle faire à part courir dans sa roue? Qu'avait-elle envie de faire?
Non, ce n'était pas possible. Il fallait continuer.
Et puis un jour la souris s'est fait mal à la patte. Alors elle essayait bien, tant que mal, de poursuivre sa course. Mais elle sentait que cela devenait de plus en plus compliqué.
Ses humains n'ont pas vu que la petite souris avait la patte cassée. A leur décharge, lorsqu'ils passaient dans le coin, la souris essayait de courir dans sa roue, pour leur faire plaisir et parce qu'elle se disait que c'était ce qu'il fallait faire.
De toute façon c'était tellement devenu une habitude qu'elle ne savait plus très bien pourquoi elle le faisait, ni quoi faire d'autre.
Alors elle continuait à courir, malgré sa patte cassée.
La souris commencait à se rendre compte que quelque chose se passait à l'extérieur, que tout semblait un peu confus, chaotique. Mais encore une fois, que pouvait-elle y faire? Elle n'allait pas régler les problèmes de ses humains, elle était trop petite. Et même si elle commencait à imaginer les impacts potentiels pour elle, elle ne se sentait pas le courage de sortir de sa cage, parce que quand même, l'extérieur, ça lui semblait dangereux.
Alors oui, c'est vrai qu'elle avait mal à la patte. Mais non, elle n'avait pas le choix. Et puis personne n'avait dit que la vie c'était facile. C'était normal de se donner du mal, de transcender sa douleur, de continuer.
Et puis un jour, la petite souris s'est fait mal à l'autre patte.
Et elle s'est arrêtée, d'un coup.
Elle est restée là, assise, dans sa roue. Elle ne savait plus trop quoi penser sur quoi que ce soit.
Elle a commencé à se reposer.
Elle a laissé passé la pensée qui lui disait "mais non il ne faut pas que tu t'arrêtes" : elle l'a observée, puis elle l'a laissée s'éteindre.
Elle a attendu encore. Ses pattes commencaient à se remettre.
Elle a commencé à se formuler à elle-même qu'elle en avait marre, de cette roue. Qu'elle tournait en rond dans sa cage. Que du côté de ses humains ça sentait le roussi.
Elle attendit encore.
La petite souris pensa à ses humains. Si jamais elle partait, comment allaient-ils prendre la chose? Allaient-ils se sentir trahis, déçus? La jugerait-elle de vouloir vivre autrement?
Elle regarda à nouveau sa copine souris, qui courait toujours dans sa roue. Elle se dit finalement que peut-être elle ne la jugerait pas si durement de changer les règles du jeu, peut-être même que cela lui donnerait des idées?
Elle se rappela que le monde extérieur lui avait toujours fait peur. Et en même temps quelque chose en elle commencait à émerger, lui rappelant qu'elle savait faire plein de choses, qu'elle pouvait avoir confiance en elle. Elle commencait à se dire que cela pourrait aussi être chouette, de voir du pays, de découvrir de nouvelles choses.
Et puis un jour elle remarqua que la porte de sa cage était restée ouverte. Avait-elle jamais été fermée?
La petite souris sourit.
Elle prit une grande inspiration.
Et elle sortit de sa cage.
Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé ne serait que purement fortuite.
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